vendredi 2 mai 2014

Les oripeaux de la fonction

Son regard acéré et perçant parcourt les alentours. Aux aguets. Dès huit heures quinze, elle incarne son rôle à merveille: l'Autorité. La poignée de main est ferme bien sûr: nul flottement ne doit échapper de ce premier contact. Si nécessaire, le ton de la voix se fait sévère envers un égaré volontaire.

Se dirigeant vers son bureau, elle en interpelle un, lui demande sévèrement quelque information d'une importance capitale puis s'aperçoit qu'elle s'est trompée de personne.

À midi, elle ne se mêle pas avec ses subordonnés: il faut laisser à ceux-ci un espace pour piailler et, ne mérite-t-elle pas aussi un peu de repos? Le masque est parfois un peu gluant, cet intermède permet de s'en soulager un peu, à défaut de le retirer parfois. Oui, ce rôle lui colle à la peau, aux os, à l'esprit: cela fait deux ans qu'elle n'a pas pris de vacances ("contrairement à d'autres" se dit-elle en guise d'encouragement paradoxal).

Il est l'heure de retourner dans son bureau dont la porte d'entrée est tapissée d'affiches humoristiques sur son statut de personne occupée: "si je ne suis pas là, c'est que je suis absent" ou "cellule de crise". Tout en marchant, elle se rappelle son maître mot, la réactivité. Aucune faille possible. La guerre est déclarée depuis si longtemps que c'est devenu son credo. Elle se le répète comme une litanie quand elle se sent désarmée. En effet, la belliqueuse peut se trouver désemparée face à ces petits campagnards ignares. Toutefois, elle ne se laissera pas démonter par ces infâmes procéduriers: c'est le moment de s'exposer volontairement au feu des critiques. Monter au créneau.